Agrandir Emma Bovary         Emma Bovary | Bibliothèque nationale de France

Madame Bovary

 Mœurs de province relate la vie d’Emma Rouault, fille de paysans. Enivrée par ses lectures de désirs romantiques, elle épouse Charles Bovary, médecin prématurément veuf ; mais, exaspérée par l’ennui d’une vie de province et la médiocrité de son mari et de sa fille Berthe, elle rêve de Paris et d’Italie, d’amours fabuleuses et de luxe.

Elle croit trouver une issue dans l’adultère, avec un nobliau, Rodolphe Boulanger, qui la quitte lorsqu’elle le met en demeure de s’enfuir avec elle, puis avec Léon Dupuis, clerc de notaire. Criblée de dettes, désespérée et enfin lucide, elle se suicide à l’arsenic. Charles se laisse mourir après avoir découvert la double vie d’une épouse qu’il n’a cessé d’aimer.

56 mois d’écriture

Avant d’écrire ce roman, Flaubert a mis des mois à se remettre des critiques de Louis Bouilhet et Maxime Du Camp contre sa Tentation de saint Antoine. Pendant son voyage en Orient, il rumine trois projets d’écriture différents : Anubis, Une nuit de Don Juan et un « roman flamand » dont l’héroïne « meurt vierge et mystique entre son père et sa mère » (14 novembre 1850). Une fois rédigées ses notes d’Orient, Flaubert choisit en septembre 1851, sur les conseils de ses amis, un sujet aussi éloigné que possible de La Tentation : un roman « réaliste et psychologique », une histoire banale ayant pour cadre le décor quotidien de la Normandie contemporaine, la vie adultère d’une petite bourgeoise provinciale mal mariée à un brave homme qui ne parvient pas à satisfaire ses rêves romanesques.Le roman est sous-titré Mœurs de province en hommage à Honoré de Balzac et à la titrologie de La Comédie humaine. L’intrigue est empruntée à un fait divers local, l’histoire de Delphine Delamare, jeune épouse d’un officier de santé fixé à Ry (ancien élève du père de Flaubert), qui mourut à 26 ans. À cette trame, Flaubert ajoute des éléments repris à ses œuvres de jeunesse et des faits empruntés à la vie de son amie Louise Pradier, l’épouse du sculpteur.

Un parfum de scandale

À partir du 1er octobre 1856, le texte est publié dans la Revue de Paris sous la forme de feuilleton jusqu’au 15 décembre suivant, découpé en six livraisons, les 1er et 15 de chaque mois, dans lesquelles certains passages trop scandaleux sont censurés. La noirceur de l’intrigue, l’immoralité des personnages, mais aussi la neutralité narrative refusant toute norme et toute vérité définitive, choquent les lecteurs et la censure. Flaubert, ainsi que le gérant de la revue et son imprimeur, sont jugés pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs ». Le procureur Ernest Pinard lui reproche notamment le « réalisme vulgaire et souvent choquant de la peinture des caractères », ses « tableaux lascifs » et ses « images voluptueuses mêlées aux choses sacrées ».

Après un procès retentissant, Flaubert est acquitté le 7 février 1857, grâce à l'habileté de son avocat Jules Sénard mais aussi à ses liens familiaux avec la société du Second Empire, tandis que Baudelaire, poursuivi par le même tribunal et pour les mêmes raisons après la publication des Fleurs du mal, est condamné la même année. Le roman, publié en avril 1857 par l'éditeur Michel Lévy, connaît un important succès en librairie, sans doute largement dû à la publicité de scandale du procès. Les articles abondent, parfois critiques, mais reconnaissant en général la nouveauté du roman. Le premier tirage de 6 750 exemplaires est épuisé en deux mois et 29 150 exemplaires sont vendus en cinq ans. Après son acquittement, Flaubert est devenu dès son premier roman un auteur célèbre, mais sur un malentendu, car davantage que la morale, ce sont les structures formelles du genre romanesque que Flaubert transgressait.La peinture du milieu provincial, le sujet trivial, la minutie des détails ont fait longtemps de Madame Bovary l’archétype du réalisme. Le roman a eu également une grande influence sur les romanciers naturalistes de la génération suivante.Après trente ans de romantisme, Flaubert se livre en effet à une violente satire de l’« Hâmour », mais il exprime aussi la douleur de vivre dans une existence bornée qui brime l’idéal. Maupassant écrivait déjà : « Il suffit de lire avec intelligence Madame Bovary pour comprendre que rien n’est plus loin du réalisme » et « les brouillons […] témoignent clairement du fait que le premier roman qu’ait publié Flaubert est une conquête de l’auteur sur son lyrisme », note Claudine Gothot-Mersch. Flaubert en était conscient, qui écrivait : « Toute la valeur de mon livre, s’il en a une, sera d’avoir su marcher droit sur un cheveu, suspendu entre le double abîme du lyrisme et du vulgaire » (21 mars 1852). Le « bovarysme », généralisation d’un archétype psychologique Le BovarysmeAgrandir Le Bovarysme | Bibliothèque nationale de France Madame Bovary reste un compromis où le lecteur de 1857 retrouve au moins deux perspectives familières : l'analyse psychologique et la peinture de mœurs. Le cas d'Emma est étudié au point de devenir un véritable archétype psychologique susceptible de généralisation : Jules de Gaultier publie ainsi en 1892 .Le Bovarysme : la psychologie dans l'œuvre de Flaubert. Flaubert s’est inspiré de la vie de deux femmes réelles, mais il affirme aussi : « Tout ce qu’on invente est vrai, sois en sûre. […]. Ma pauvre Bovary, sans doute, souffre et pleure dans vingt villages de France à la fois, à cette heure même » (14 août 1853). Il ne s’agit donc plus de la simple transcription réaliste de l’affaire Delamare, mais de l’analyse des effets de « l’exposition d’un caractère de femme naturellement corrompu » (12 décembre 1856) à la vie de province. Cette analyse permet à Flaubert de développer des idées et des thèmes qui l’intéressent depuis l’adolescence : les effets néfastes de la littérature romantique, inspiratrice de rêveries coupant du réel, le basculement de la passion rêvée à la passion vécue. Emma est en quelque sorte une version féminine et moderne de Don Quichotte.

Pour raconter ces « mœurs de province » Flaubert inaugure sa ligne de conduite d’une impersonnalité délibérée de la narration : le romancier ne doit jamais apparaître dans son œuvre. Contrairement à la légende persistante, Flaubert n’a écrit nulle part « Madame Bovary, c’est moi ! ». C’est un biographe du début du 20e siècle, René Descharmes, auteur de Flaubert avant 1857, qui rapporte une confidence d’une romancière et journaliste rouennaise, correspondante de Flaubert, Amélie Bosquet, selon laquelle l’écrivain lui aurait répondu par cette boutade. Cela n’empêche pas une empathie profonde et presque physique : « Mes personnages imaginaires m’affectent, me poursuivent, ou plutôt c’est moi qui suis en eux. Quand j’écrivais l’empoisonnement de Mme Bovary, j’avais si bien le goût d’arsenic dans la bouche, j’étais si bien empoisonné moi-même que je me suis donné deux indigestions coup sur coup, deux indigestions très réelles, car j’ai vomi tout mon dîner » (novembre 1868). Le romantisme en dérision Mais Flaubert élabore surtout, durant les quatre ans et demi de travail sur les manuscrits de Madame Bovary, un système d’énonciation original et cohérent : il donne une place très importante au style indirect libre qui a pour fonction de brouiller l’énonciation, de multiplier les points de vue, et de permettre l’apparition d’une impitoyable ironie qui tourne en dérision la psychologie romanesque traditionnelle. Le « dialogue rythmé » au style indirect libre devient un instrument privilégié dans la peinture des personnages. Dans la fameuse scène polyphonique des comices agricoles, un habile montage frappe de dérision la séduction d’Emma par Rodolphe : la juxtaposition, de plus en plus rapide, du dialogue amoureux et des discours des notables locaux, sur fond sonore de kermesse, met en scène par le télescopage des discours la façon dont l’expression des sentiments vient se heurter à la trivialité de la réalité. S’ajoute un emploi inédit et magistral des temps narratifs qui immobilisent la représentation dans une sorte de plasticité des durées, qui alternent entre accélération et dilatation : les très nombreux imparfaits racontent par exemple avec cruauté les temps morts d’une vie.

source: https://essentiels.bnf.fr/fr/article/051ace42-93bd-498e-a281-0b8870429c40-madame-bovary

 

« Pas de monstres, pas de héros ! » déclare Flaubert à propos de ses personnages. Ils sont ceux de la vie quotidienne d’une petite ville de province au milieu du 19e siècle (comme l'indique le sous-titre du roman, « Mœurs de province »).

Cependant, ils deviennent des personnages-types par le biais de la littérature, chacun étant caractérisé soit par une origine sociale (Homais est le bourgeois triomphant, Bournisien le curé imbécile), un trait de caractère (Rodolphe est le séducteur cynique), ou bien une manie, un tic (le bonnet grec de Homais, les manies de Charles à table…).

Ils sont associés en couples symboliques :

→ Homais et Bournisien représentent les figures de la bourgeoisie ;

→ Canivet et Larivière, les deux médecins ;

→ Rodolphe et Léon, les deux amants ;

→ le vicomte et Lagardy, les deux hommes fantasmés.

a. Emma Bovary • Flaubert a trouvé le prénom de son héroïne lors d’un voyage en Orient en 1849. C’est Emma la protagoniste du roman, celle à qui il dit parfois s’identifier.

« Quant à l’amour, ç’a été le grand sujet de réflexion de toute ma vie. Ce que je n’ai pas donné à l’art pur, au métier en soi, a été là ; et le cœur que j’étudiais, c’était le mien. Que de fois j’ai senti à mes meilleurs moments le froid du scalpel qui m’entrait dans la chair ! Bovary (dans une certaine mesure, dans la mesure bourgeoise, autant que je l’ai pu, afin que ce fût plus général et humain) sera sous ce rapport, la somme de ma science psychologique et n’aura une valeur originale que par ce côté. En aura-t-il ? Dieu le veuille ! »

Lettre à Louise Colet, 3 juillet 1852

• Il annonce, dès le titre, une analyse du couple, centrée sur la femme. Emma est en réalité la 3e « Madame Bovary » du roman après sa belle-mère et la première épouse de Charles, Héloïse.

b. Les hommes Autour d’Emma gravitent des hommes qui la déçoivent lorsqu’ils se rapprochent. Son mari la dégoûte très vite, ses amants finissent par l’ennuyer. Seuls demeurent fascinants ceux qui restent lointains (le vicomte).

• Charles Bovary Charles n’existe que par rapport à Emma, bien que le roman commence et se termine sur lui. Il est le parfait contrepied d’Emma : il est tout ce qu’elle déteste, il n’est rien de ce qu’elle désire. Il est, à ses yeux, médiocre physiquement, intellectuellement et socialement. Il se révèle différent et plus complexe lorsqu’il échappe au point de vue d’Emma : c’est un homme bon, dévoué, capable d’un amour immense. N’accusant personne, il prononce cette phrase à la fin du roman : « C’est la faute de la fatalité ». Il n’est finalement pas un personnage-type : il se rapproche de la vie réelle.

• Les amants Ils incarnent pendant un temps l’ailleurs qu’elle espère, mais Emma se lasse de les fréquenter dans leur quotidien.

 Léon est un romantique sans nuances, petit bourgeois aux valeurs mesquines qui épousera la fille du notaire pour s’assurer une situation.

Rodolphe est une sorte de Don Juan qui incarne l’amour physique, mais c’est aussi une figure bourgeoise qui regarde à la dépense et n’a pas trois mille francs d’avance.

• Les hommes incarnant le triomphe bourgeois : Homais et Lheureux Ce sont les deux seuls personnages qui voient leur situation s’améliorer au fil de l’histoire. Ce sont les vainqueurs de Madame Bovary : elle s’empoisonne avec l’arsenic d'Homais après avoir été ruinée par Lheureux. L’argent triomphe dans cette société bourgeoise.

• Les hommes incarnant la bêtise : Homais et Bournisien Homais, le pharmacien, n’est pas un véritable personnage, c’est l’incarnation du Dictionnaire des idées reçues ! Il ne peut oublier un instant sa propre personne, ramène tout à lui, se croit indispensable… Bournisien, le curé, est aussi égocentrique qu' Homais, sa religion est purement une façade, il a des préoccupations toutes matérielles et demeure insensible à la douleur humaine qu’il ne voit pas.

• Justin est peut-être le seul personnage sincère : il aime Emma d’un amour respectueux.

 • Hyppolyte et l’Aveugle sont les symboles de la domination sociale.

• Le père Rouault Il est le type du paysan borné. Le père Bovary n’existe que par sa coiffure ridicule (« un superbe bonnet de police à galons d’argent »). 

source:https://www.maxicours.com/se/cours/madame-bovary-gustave-flaubert-composition-et-protagonistes/

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La vie de Gustave Flaubert Flaubert 

Gustave Flaubert est né en 1821 à Rouen. Son père était chirurgien à l’Hôtel-Dieu de la ville, et il vivra son enfance dans une atmosphère assez morbide. Très tôt passionné par la littérature et par l’écriture, il s’ennuie en classe, et il s’ennuie encore plus à la perspective de « faire son droit » et de suivre une carrière d’avocat. Mais en 1844, une grave crise nerveuse terrasse fort opportunément le jeune Flaubert, et l’empêche de continuer ses études : sa famille se décide à le laisser écrire et à lui en donner les moyens. Deux ans plus tard, son père et sa sœur meurent, presque coup sur coup. À 25 ans, il se retrouve dans une maison vide, seul avec une mère écrasée de chagrin. Emmené par son ami Du Camp, il fait un long voyage en orient de novembre 1849 à mai 1851.

L'homme-plume

De retour en France, il s’installe définitivement dans la propriété familiale de Croisset et se consacre à son œuvre, alternant des séjours à Paris et de longues périodes de solitude en Normandie. Il vit désormais en « homme-plume ». « Je sens par elle, dit-il, à cause d’elle, par rapport à elle et beaucoup plus avec elle. » Sa vie, désormais, se confond avec l’histoire de son œuvre. La correspondance de l’écrivain, si vivante, si spontanée, en raconte la construction quotidienne. Flaubert meurt en 1880. Un mystère qui m'échappe Inscrivez-vous à notre lettre d'information mensuelle !

Flaubert et son époque

 Il la détestait. Flaubert est né pendant la « restauration », période du retour de la monarchie après l’épisode napoléonien. Malgré deux révolutions (1830 et 1848), son siècle est pour lui avant tout celui de l’ordre moral et du développement industriel. Il déploiera dans l’Éducation sentimentale une analyse très profonde et très en avance sur son temps de l’histoire de sa génération, de ses espoirs et de ses échecs. Le XIXe est un siècle de grandes certitudes : on croit en la science, on croit au progrès, on croit en la technique, on croit en la vertu et la morale, on croit en la civilisation et en la colonisation. Flaubert s’appliquera toute sa vie à démonter ces certitudes pour montrer qu’elles ne reposent que sur des illusions, des mensonges, des idées reçues. Mais il ira plus loin : les critiques que nous adressons à notre temps ne seraient-elles pas elles-mêmes des idées brassées par l’époque et qu’on répète comme un perroquet ? Curieusement, il écrira dans son Dictionnaire des Idées reçues l’article suivant : Époque (la nôtre) : Tonner contre elle. — Se plaindre de ce qu’elle n’est pas poétique. — L’appeler époque de transition, de décadence. Nous sommes toujours un peu englués dans notre époque, même quand nous croyons la juger. C’est la leçon de Flaubert. 

 Sa place dans l'histoire littéraire

Lyrique dans ses œuvres d’inspiration orientale, exact et minutieux lorsqu’il analyse la vie provinciale et parisienne, considérant le style comme « une manière absolue de voir les choses », Flaubert a pu être revendiqué par des courants aussi opposés que le réalisme du XIXe siècle et le nouveau roman des années 1960. Par le renouvellement qu’il provoque dans le genre romanesque, par sa conception de la littérature et du rôle de l’écrivain, il est avant tout le premier des romanciers modernes. La littérature, pour Flaubert, c’est du sérieux. Un écrivain n’est pas un simple amuseur. Par son désir, son travail et son exigence, il peut aboutir à une œuvre qui se suffit à elle-même par sa beauté artistique et qui en même temps pénètre très profondément dans la réalité. Rien n’est donc plus légitime que de mettre l’écriture au centre de sa vie et même de la vie en général. Ce que Flaubert a fait très tôt, et que beaucoup d’écrivains feront après lui en l’assumant peut-être plus facilement grâce à son exemple. 

source: https://litteraturefrancaise.net/fr/auteur/gustave-flaubert/lauteur-et-son-oeuvre/

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